jueves, 13 de noviembre de 2014

MOHAMMED KHAÏR-EDDINE [13.991] Poeta de Marruecos


MOHAMMED KHAÏR-EDDINE 

(Azro-Wado, 1941 - Rabat, 1995). Poeta francófono marroquí, nació en el valle de los Ammlens, cerca Tafraout. Su infancia, vivida con dolor, quedará marcada por el repudio paterno a su madre. Eso forjará en él un sentimiento de violencia contra la arbitrariedad y la injusticia y de rebeldía contra la familia, la religión y la autoridad establecidas, y determinará su destino humano y literario. Tal vez por eso tengamos la impresión de ser mecidos y sacudidos a un tiempo por la cadencia y el nervio de sus versos, mientras de su origen norteafricano nos impacta la fuerza insólita de su léxico. En 1965, se exilia voluntariamente en Francia y lleva una vida más o menos errante con encuentros y subsidios obtenidos de escritores como Sartre, Leiris o Beckett. Agadir (Paris, Seuil, 1967), libro en prosa escrito a partir de su experiencia como empleado de la Seguridad Social tras el gran terremoto, lo revelará como un autor de excepción. A su regreso a Marruecos a finales de los setenta, es detenido por la policía y puesto luego en libertad. Fallece en 1995, consumido por su adicción al alcohol. Gallimard editó en 2009 Soleil arachnide. William Blake and Co. prepara una recopilación de inéditos dados por perdidos.


A MI MUJER

gritos de esquisto de lechuzas de angustias
y de noche desnuda atrapada al ras
del vuelo frío del sueño de la sed — poseo de mi estepa
la enormidad de un recuerdo de león que lame
los higos azules de lo siniestro --
donde se estremece la tormenta en armas de mi nacimiento 

os oigo bajo mi carcasa de bloques de sangre
tizones de estrellas vomitadas por la tormenta de las infancias
de opuntia por donde corretean el trionix y el ámbar
pero llevo en mi mala suerte una maldición de olivo
con yuyubas nacimientos eyectados
de la masacre
cuando te aventuras entre los campos híbridos de los ojos
como luna caída en leche de migalas  




A JEAN DUFOUR

el sol atroz de los sueños
el cadáver viscoso de lunas y desiertos
cuando una intoxicación de algas amargas voltea al mar
y pone un guion entre el cielo flexible y tu rostro
de gacela negra
son bajo la axila húmeda del paseante
más numerosos que los pájaros de la tierra entera
cayeron los sepulcros en los ríos helados
un arma hizo falta: mi lengua seca mi lengua ciega
escupiendo de nuevo los caballos intrépidos del vuelo 
de las supersticiones
y de la consagración 
de una primavera destripada
por nuestros pies rígidos
y ahí está tendido justo sobre mi piel
el perro oblicuo de las amenazas abortadas
cielo bajo
torpedo y pillaje de nuestros rostros
los fósiles amargados los uniformes
y esa enfermedad en sus pupilas grises
viaducto
silencio a través de un reptar de tormentos entumecidos
pero
qué es una flor sino la muerte de las tarántulas
nombro a ese fuego blanco y negro o violeta
entre los tejados vetustos de lo lejano
nombro al avión-mosca-extraño en nuestros cuellos víridos
y al preguntarnos si no nos ahogamos siglos atrás
nombro a esa orden inmanente ese traje de águila nonata
no nombro nada pasemos apenas por bahías detonadas
cayeron los sepulcros en los ríos helados
nuestra marcha era una red
sin asperezas
nuestros brazos resonaban
en la espalda lisa del cielo mulo
y nuestros ojos prematuros
en tus caras florecidas de nuevo entre las zarzas
cuando
rechazados por el tornado
nuestros cuerpos conmovidos formaron charcas en la libertad


Traducción y nota: Manuel Ángel Gómez Angulo

http://elcoloquiodelosperros.weebly.com/traducciones



Trozos de Nausée Noire (Nausea negra) -5


El poeta eres solamente tú.
Sí, tú, que te vas perdiendo,
precisamente en el tiempo
que la sangre del mundo,
acribillado, herido de muerte,
como ese soldado de 1941
que llama a mi memoria
y no encuentra una salida
más grande que mi vida
abierta sobre un desorden.
En mi patria, todo este año,
los higos están madurando
hasta... hasta en el peñasco.

Que sangra.

Y he aquí que la habitación
no tiene holgura suficiente.

El poeta, si, solo eres tú.
Precisamente tú, que comes
de las nostalgias del porvenir. 





Nausée noire - Poéme



I

Un prisme ouvert posé au hasard des chardons
et nulle cause pour vivre
sauf que je vais aveuglément mais plus intense que toutes les sauterelles
absent de bruits presque ininterrompu
à chaque angle un nouvel écriteau les rues me croisent
un accroc
serait-ce encore cette pêche au sommet des roseaux
non
les affiches mentent voyez leurs couleurs
je recommencerai à zéro s'il le faut f voilà qu'une fenêtre s'ouvre sur moi-même
je donne tout entier sur un terrain vague
ce matin le soleil est mûr
et je ne doute pas que l'hiver soit fini
oubliés les sommeils plombés
les silos enténébrés où pas un songe n'entrait
repassée ma vie telle une chemise neuve
ma vie lavée de ses tressaillements des craintes du devenir
ce matin le soleil découpe sur la vitre
les ors verts jamais attendus
et tombent dans mes paumes des figues de barbarie
comme au creux des rochers qu'on disait habités


III

il dégringolerait du plus haut pic
se disperserait
comme l'essaim d'abeilles que frappe la rafale
laissez-moi seul avec mes risques
mes douleurs
mes cicatrices
je veux à peine vous frôler
puisque nous sommes inséparables
chaque jour des faits
des chaînes brûlantes
mais ce ne sont que des hommes les mêmes qui reprennent d'autres poses
devant un peuple que ses propres plaies démangent
quelque part des aveugles
des ventres creux
des villes mortes dans l'estuaire
survivras-tu
tu trembles
à l'approche du fruit
une cheminée découpe l'enfer
ta sueur brûle avec la résine et le fer
demeure habitable
demeure inconcevable les rires comme du gravier tranchant
la terreur dans ton corps comme l'encre de chine
il est temps de sortir



IV

mon sang noir plus profond dans la terre et dans la chair du peuple prêt au combat
mon sang noir contient mille soleils
le champ tragique où le ciel s'entortille
je ne veux plus de couleurs mortes ni de phrases qui rampent dans les cœurs terrorisés
vous êtes pris entre moi et mon sang noir
coupables de meurtres tournés traîtreusement à quelque phase obscure
mon passé se lève aussi
égal à ma hauteur
foudroyant
pareil au jour qui reparaît
ruisselant d'encres noires
mon sang noir sur une colline je vous traînerai dans la boue faite de mon sang noir vous et moi
jadis porteurs de mythes
mon sang noir était le lait ardent des mamelles du désert vous et moi comme un vent inconciliable
des tonnes de sable
des éternités de molécules
nous séparent à présent , car je suis le sang noir d'une
terre et d'un peuple sur lesquels vous marchez
il est temps

le temps où le fleuve crie pour avoir trop porté
comme un serpent noir il broie roches et cèdres
jusqu'à la mer qui le comprend
debout présent ensemble vous en face des cadavres dont est lourd mon passé
des cadavres dont les vers ne sont pas desséchés
moi juge pour avoir été victime car mon sang noir coule dans la terre et au tréfonds du peuple
seuls témoins et mon passé surgi du plomb qui l'a brisé



V

tu meurs
mais je t'accompagne dans cette poussière où tu rampes
nous n'atteindrons pas au fruit que nos regards font éclater
nous tomberons au pied de l'arbre
nous nous donnerons
puisque rien ne nous sera donné tu meurs mais je te sais pour une dépouille printanière
où le fruit grossira à même la paume chaude
de qui te plantera au milieu des marées
nous donnerons le fruit le plus clair du futur
puisque seuls nous rampons vers l'arbre qui nous nie
puisque dans son écorce nous avons découvert
une route secrète que les branches ignorent
tu meurs mais je suis nu dans l'herbe vorace qui m'amenuise
et nous aiguise ensemble nous lave de la pierre nous rampons unanimes vers l'arbre qui vacille
pour recevoir la dernière goutte de ton sang noir
et donner au futur le fruit le plus étrange
qui parle dans la bouche
de milliers d'innocents morts dans notre sang noir



IX

le poète c'est toi qui te perds en même temps que tout le sang du monde
criblé
blessé
comme ce soldat de qui cogne à ma mémoire
et ne trouve plus large issue que ma vie
ouvert sur un désordre
au pays cette année les figues mûrissent à même le rocher
il saigne
mais voici que la chambre ne suffit plus
le poète c'est toi
toi qui te nourris de la nostalgie du futur



X

Je ne décrirai pas un oiseau qui s'écroule prend feu
ai-je jamais voyagé plus loin que ne promet un champ
et pas de mains hors de leur corps vivant
pas de chair qui ne sache point me découvrir un centre
je ferai le périple
m'acquitterai des dîmes que suppose ma douleur
un jour funeste passe plus vite que son bruit
et mon ombre toujours comme une tache d'huile
mes morts

je les ai vus
vécus même
laissez-les réinventer les pierres
secouer la terre
s'ils partent ne dites pas ce que disent les veilleurs
ils ne remontent pas leur présent
n'accouchent pas de fantômes
puisqu'ils passent et repassent
tordent la nuit
à rompre les amarres d'un navire prêt à doubler ma vie




Mohammed Khaïr-Eddine
(ou Agoun'chich l'errant)

Por Mohammed Mazouz
Parimazigh n°1


«Derrière lui, la ville, le pays. Il les a quittés un matin le soleil ne s 'était pas encore pointé... La mort qui venait froisser ses draps alors qu'il était bébé, le faire rire ou pleurer..» (Le déterreur, p. 126)

Il disait : «Je désire trouver une phrase qui résume tout.» En deux mots on dira Khaïr-Eddine. Écrivain de refus, il l'a maintes fois prouvé dans ses écrits romans-poèmes. De Agadir, en passant par Corps négatif suivi de histoire d'un Bon Dieu, Soleil Arachide, Moi l'aigre, Le Déterreur, Ce Maroc !, Une odeur de mantèque, Une vie, un rêve, un peuple, toujours errants, la Résurrection des fleurs sauvages, Légende et vie d'Agoun'chich et enfin Mémorial, le même cri résonne à chaque fois, un cri qui résume le 'tout' «la beauté qu'il chantait, la révolte qui l'habitait et 1'insoumission dont il rêvait de vêtir ses frères en désespoir.» (revue Tifinagh n°9)
 Khaïr Eddine, dessin d'Aourik, Tifinagh n°10Ces oeuvres sont fortement marquées par le sud marocain dit «sudique» :


Sudique
que je crée par la pluie et les éboulis 
que je transforme en lait nuptial pour des 
noces de torrents(..)
Sudique
percée d'oubli soudain par des troupes ferventes 
de poèmes
qui font éclater chaque pierre sous mes pieds 
quand mon corps bée
entre des mains bleues 
entre les flûtes 
Sudique sur un pic miraculeux 
couleuvre jeune récitant des piétinements sans histoire(..)
et ces tristes airs d'abandon et de haine 
ces crieurs ces goumiers qui traînent 
leur vie mortelle
ces Phéniciens ces nus voraces 
Sudique de rutilance et de scorpions 
sur tes seins enroulés fermes
et ce maudit esclave qui crache dans ton ombre.

(Ce Maroc !, Le Seuil, 1975, p. 29-31)



Ce Maroc l'obsédait, surtout pendant les années d'exil en France. Sa patrie, celle qui lui a tenu compagnie, était surtout la poésie, territoire qu'il arpentait sans se soucier des bienséances de la vie sociale. (In Le Monde des livres du 1er décembre 1995)

«Dans Agadir, disait-il, je remet tout en question : la politique, la famille, les ancêtres. Je crois qu'il faut faire tomber les vieilles statuts, tout changer par l'éducation du peuple (...) Je n'hésite pas à faire le procès de mon propre sang car il n'arrive pas à se dépêtrer de lui-même, à se transformer» (Ce Maroc !, op.cit. p.81) N'écrit-il pas dans Une vie, un rêve, un peuple, toujours errants : «Je renierai les Berbères qui auront pour du fric ou des espoirs inutiles trahi la fonction de ce monde.» Dans Moi l'Aigre, il rajoute : «Mais quelle est la goute de sperme qui a fait de moi un Berbère... [mais] les Berbères se sentent très proches des fous et des génies, ils ont la vérité fixée sur le front et ils corrigent la vie selon leur goût.» (p. 35)

Son sang est sa blessure, ce n'est pas sans raison que je m'exile ici. D'abord je voudrais faire un chemin à suivre. Et en même temps attirer l'attention du voleur et du volé, de crocodile et de la victime, des nouveaux sorciers de l'Afrique et des hypnotisés... (revue Souffle n°1, premier trimestre 1966, p. 7)


ma plaie
où seule l'abeille trouve des fleurs neuves 
porte-moi loin de cet oubli 
battant
et rampe
pays pays je plie bagages 
ceux qui ajoutent du noir 
à leur cellule 
me voient partir 
pays pays où seule la terre 
se souvient
et hurle 
quelle terreur couve 
sous ta colère.

(Ce Maroc !, p. 21-22)


Son exil, il en parle à travers son vécu et à travers le quotidien. Agoun'chich est parti «... ce qui importe, ce qui prime tout le reste y compris ton existence et la mienne, c'est d'abord qu'on passe ici où là, de temps en temps, avec soi-même et avec les autres (...) cette harmonie fugitive qui vous condamne à vivre ou à périr (...) Cependant je marche ? je vais, je cours, je cherche sans relâche quelque chose qui me fasse désirer la vie» Agoun'chich (p. 68)


«Et j'erre 
avec ma bombe sous l'aisselle, 
banlieue foutue... oui j'erre 
et je suis la nuit bleue 
travaillé par le feu des enfers
et la braise pneumatique qui sangle la gravité des nuits...

mais cela ne s'écrit pas ! j'étais là fusillable,
Solo, toujours solo, chantant 
en bus, métro et dans la rue or on me tire dessus !
Je sors donc mon couteau 
et je me tue moi aussi 
Épreuve des banlieues, 
hypothétique cité 
où personne ne vit
sa vie!

Suis-je orphelin 
de ma terre oubliée 
et dont pas même l'image
ne vient
effleurer mon affect ?»

(Extrait du Quasar II, Tifinagh n°8, déc. 1995)



Cette obsession du sud, qui est à l'oeuvre dans ses textes, procède à la fois d'un vécu au contact du terroir et d'un travail sur le langage. «Quand vous débarquez dans un pays que vous n'avez jamais vu ou que vous avez déserté depuis longtemps, ce qui vous frappe avant tout, c'est la langue que parlent les gens du cru». (Agoun'chich, p. 9) «Le Berbère oublia son écriture et une grande partie de son vocabulaire, car le premier soin du colonisateur fut à, tous les coups de le dépersonnaliser, le déposséder de ses racines, autrement dit, il tenta toujours de transformer radicalement le Berbère en un homme d'une race qu'il n'était pas, comme si l'on pouvait changer un pygargue en serpent de mer.» (Agoun'chich, p. 129)

L'errance s'inscrit dans un projet de réactivation d'un bonheur lié à un espace, dont les signes authentiques ont été effacés sous l'influence de diverses invasions. Le rôle de cette errance sert à dénoncer (la modernité sauvage), les changements que l'évolution mouvementée de l'histoire a fait subir à cet espace si singulier par sa nature et sa culture qui est le sud. (A. Tenkoul, Littérature marocaine d'écriture française, Casablanca, Éd Afrique Orient, 1985.)

L'Agoun'chich, ses sentiments restent partagés. Il se débattait avec lui-même entre deux rives... Il a vécu loin des projecteurs, «sa mort» - (pardon ! la mort c'est l'oubli) - va déterrer ce déterreur pour être lu et relu.

BIBLIOGRAPHIE

Agadir, 1967
Corps négatif, suivi d'Histoire d'un bon Dieu, 1968
Soleil arachide, 1969
Moi, l'aigre, 1970
Le Déterreur, 1973
Ce Maroc ! 1975
Une Odeur de Mantèque, 1967
Une vie, un rêve, un peuple, toujours errants, 1978
Résurrection des fleurs sauvages, 1981
Légende et vie d'Agoun'chich, 1984









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