viernes, 1 de marzo de 2013

BENOÎT CONORT [9319]




BENOÎT CONORT

(Villeneuve-sur-Lot, Francia, 1956)
Benoît Conort trabaja en la actualidad como profesor en la Universidad de París X. Ha residido en el extranjero (Portugal, Sri Lanka y Polonia) y pertenece al comité de redacción de la revista Le Nouveau Recueil. Es creador junto a Patrice Souchon del Carrefour des Écritures, asociación dedicada a la creación literaria y poética en talleres de escritura, cuyo objetivo es promover esta práctica tanto en la enseñanza oficial como en las bibliotecas. Desde la publicación de su primer poemario, Pour une île à venir, Conort ha ido tropezando con los más prestigiosos premios literarios franceses.

Premios:

1988: Fénéon prize for For the island to come
1988: Francis Jammes prize for For the island to come
1992: Tristan Tzara prize forBeyond Circles
1999: Mallarmé prize forNight Hand

Obra:

Pour une île à venir: poème. Gallimard. 1988. ISBN 978-2-07-071323-3.
Au-delà des cercles: poèmes. Gallimard. 1992. ISBN 978-2-07-072629-5.
Main de Nuit. Editions Champ Vallon. 1998. ISBN 978-2-87673-271-1.
Cette vie est la nôtre: rhapsodie. Editions Champ Vallon. 2001. ISBN 978-2-87673-320-6.
Pierre Jean Jouve: mourir en poésie : la mort dans l'œuvre poétique de Pierre Jean Jouve. Presses Univ. Septentrion. 2002. ISBN 978-2-85939-751-7.
Écrire dans le noir. Editions Champ Vallon. 2006. ISBN 978-2-87673-432-6.



Los poemas que se recogen a continuación pertenecen a Main de nuit (Mano en la noche), libro en el que la oscuridad con su ceguera y silencio hacen resaltar ritmo, grito, mito y realidad. Sus versos reptan a través de una dimensión llena de incertidumbre, donde lo que se teje por deslavazado, incierto e impalpable se hunde en la más profunda de las ambigüedades. Metáfora y sueño, espacios amorosos por llenar o vaciar, desmesura de lo cierto, son sus temas centrales.
Con Main de nuit (1998), el autor da por concluido un ciclo antes de que su siguiente entrega, Cette vie est la nôtre, nos introduzca en una poesía enfebrecida marcada por un lirismo asfixiante que no es sino el reflejo más patente, lúcido y frío de nuestro caos cotidiano.



Traducción y notas: Manuel Ángel Gómez Angulo






Ayant descendu toutes les marches
Jusqu’à la plus basse où morne dans le noir        
De nouveau sourd aveugle et dans les mots muré       
Je penche vers cette marge que hante le silence         




Habiendo bajado todos los peldaños
Hasta el último donde sombrío en la oscuridad
De nuevo sordo ciego y murado entre palabras
Me asomo a ese abismo que el silencio atormenta









Le nom est une forme qui se défait
Entre les syllabes un son froid soufflé
Où se dissipe le sens                        
Les mots tournent autour de la béance
Et la terre fut toujours absente       
Dessus        dessous        jamais avec
Le sang ne passe plus
S’inverse 
Se dévagine le cadavre       
Naissance nom à rebours       
Né en nuit                                       




El nombre es un perfil que se deshace
Un gélido sonido sugerido entre sílabas
Allí donde el sentido se desvanece
Las palabras giran en torno a su magnitud
Y la tierra siguió ausente
Por debajo        por encima        nunca con
No mana ya la sangre
Se invierte
Se desvagina el cadáver
Nacimiento nombre del revés
Nacido en la noche








J’ai désiré la flamme et désiré le coeur
J’ai refermé mes doigts sur les larmes       
J’ai porté à mes lèvres leur forme souple        
Ouate fluide brûlant au fond des yeux       
Et loupe du regard par le corps tressée
Avide hémorragie du sel sans retenue




He deseado corazón y llama
He vuelto a cerrar mis dedos en torno a lágrimas
He llevado a mis labios su forma leve
Guata fluida ardiente en el fondo de los ojos
Y lupa de la mirada por el cuerpo trenzada
Ávida hemorragia de sal sin descanso









Il se souvient de la petite soeur partie pour l'hôpital une ambulance devant la porte le berceau vide
Rester allongé ne plus bouger attendre attendre encore un seul geste pouvait briser le bleu d'azur et porcelaine
Il n'avait pas compris ne comprend toujours pas
"Elle s'est absentée sous la pierre nue du petit cimetière"
Dans la cour des cris d'enfant séchaient sur des linges trop blancs
Le rêve se poursuit le songe est à la traîne et tire le bras endolori
Il voudrait bien poser la tête sur le bord du chemin ne plus porter sa voix comme on vit au désert il voudrait s'endormir
D'un sommeil lourd profond
Il voudrait tant tant de choses qu'il ne peut nommer
Tant de choses interdites au langage innocent
Il voudrait bien renaître se laver de son corps faire rouler la pierre
Il voudrait bien lever le bras avant de disparaître
Tenir sa voix
Mais l'effort est trop grand et sa fatigue immense tournoie sur le ciel vide

extrait de Pour une Ile à venir (Gallimard, 1988)








Le coeur ressemble aux jardins que j'aime, tout encombré de broussailles, d'orties, fleurs sauvages, roseaux droits dressés. Parfois, derrière quelque pierre brute, une terre cultivée comme un jardin secret, fragile, assailli de verdure. Puis cela disparaît. Les racines lasses, renoncent à creuser le lent terreau du temps.

S'il est une clarté, ce n'est qu'à la manière d'une sentinelle toute pétrie de nuit, toujours sur le qui-vive (forme du quant-à-soi).

Extrait de Au-delà des Cercles (Gallimard, 1992)









N'avais-tu pas ? N'étais-tu pas ?
Perdre était le mot. Toujours plus nu il se vidait
Jusqu'à perdre n'être plus n'être pas et le troisième
Terme
N'existe pas n'a pas de nom ni de terme

Encore criait-il
Où recommence l'origine ce qui
Otant le vêtement révèle la douceur
D'un corps sa nudité extrême et plus bas

Délaisse les raisonnements les démarches spécieuses
Le seul mouvement qui va du plus vers le moins
Ou le geste contraire
Ce n'est pas le but qui compte ni la source
L'intervalle
Seul fonde l'intervalle seul
Délaisse l'initiale et la finale

Va déborde tout ce qui est
A l'une et l'autre bornes
Excède l'intervalle même
Ni au-delà ni entre ni sur en aucun
Aucun lieu ne se pourra jamais dessiner
L'espace vide où plonge le regard
Sous la paupière de chair
L'aveuglement voulu vacant

extrait de Main de Nuit (éd Champ Vallon, 1998)








c'est toujours les enfants qui tombent dans les piscines les rivières celui-là
tout habillé tout ligoté il y est tombé bien sûr on a dû le pousser
le diable pour savoir qui ça bataille ferme dans les media
tout le monde participe au match on ouvre les paris ça bataille ferme depuis longtemps oublié
le petit corps ruisselant d'eau rigide quand on l'a sorti de l'eau
on l'a oublié puis longtemps l'intéressant c'est les vivants le papier qu'on peut gratter
les enfants c'est pas grave on peut en faire
à la douzaine il suffit d'arrêter la pilule on calcule spontanément
le moment le plus favorable ça vient tout seul l'amour
ça se débite naturellement c'est une denrée
avant on disait de la chair à canon mais de nos jours dans nos contrées les canons c'est juste pour les défilés
dans nos contrées les canons on se juche dessus les soirs de grandes victoires dans les grands stades les canons ils sont ailleurs
ils tirent ailleurs les canons dans des pays où de toute façon les enfants s'ils meurent c'est d'autre chose c'était déjà
avant la guerre de faim de maladie
dans des pays où les enfants c'est pas grave ils en font tant ils ne font que ça
les enfants à la pelle ils les font et c'est à la pelle qu'ils les enterrent
plus tard c'est à la pelle qu'ils creusent
fosses communes en lieux communs si communs ils tombent ensemble
de machettes en bombes ils tombent c'est beau un enfant qui tombe
en tombeau commun on y pense puis on oublie

envoi
un peu de terre sur si petites chairs un peu de terre il suffit de si peu pour recouvrir ces corps si peu pour oublier
un jour une main
toute petite de la terre
a dépassé une main s'est tendue s'est repliée une main a pleuré toutes les larmes de son corps une main a replié ses doigts une main est devenue poing une main a pleuré sans larme ni sang une main a gémi
frères humains qui après nous vivez le croirez-vous
tous ces mouvements de pelle ils ne résonnent pas sur les chairs dévorées
frères humains ne nous pardonnez pas
nous n'avons nulle excuse qui après nous vivez
même si le remords c'est toujours la femme tondue et le vain coeur et c'est l'enfant tombé
sur le chemin de jungle c'est l'enfant mutilé au creux d'une vallée de mosquées en églises de temples en synagogues c'est l'enfance violée
dans les bras du vieil art on l'appelle la guerre

extrait de cette vie est la nôtre (éd Champ Vallon)






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