domingo, 16 de febrero de 2014

JOHN ANTOINE NAU [10.986]



John Antoine Nau

John-Antoine Nau, cuyo nombre real era Eugène-Léon-Édouard-Joseph Torquet (San Francisco, Estados Unidos, 19 de noviembre de 1860 - Tréboul, 17 de mayo de 1918), fue un escritor francés.
En 1903, fue el primer escritor que recibió el premio Goncourt por su novela Fuerza enemiga, que se publicó en febrero del mismo año. Pero en ese entonces el premio no tenía la importancia de nuestros días, y Nau fue pronto olvidado.







LILY DALE

And the moon shines bright
On the grave of poor Lily Dale
O Lily ! sweet Lily !....
(Canción estadounidense.)

¿Fuiste, Lily, una barmaid poética
En un viejo bar del Este, azul de humo,
Donde la borrachera era dulce y romántica,
Donde te amaban lobos de mar y muchachitos pálidos?

¿Tuviste un rodete rubio, como salpicado de oro,
Ojos de un azul de cobea
O de mañana primaveral del extremo Norte?
Bajo las plumas de bruma plateada de la boa,
¿Fue tu cuello una aurora sobre la nieve?

¿Vertías con graciosos ademanes
(El meñique alzando el vuelo como una paloma,
Un fulgor que se colaba por entre tus largos párpados,
El talle coquetamente inclinado)
Las ginebras corrosivas y los tórridos whiskies,
Lavas que tu gesto mágico derramaba
Más frescas que las fuentes de los montes de Allegheny,
Glacialmente azules, ocultos tan arriba
En misteriosas copas de granito?

“Dignamente” tierna con todos, ¿eras más tierna
Con un medroso Jack o Jim de ojos suplicantes
Que en sus sueños te hizo hada de los bosques rosados de Noviembre
O de los lagos de lunar ópalo espejeante —
—Y se murió de ti y te hizo morir,
Odiando a la verdadera mujer que a todos embriagaba?

Bajo las oscuras pacanas que se reflejan
En el agua vidriosa  de los bayous bordeados de chozas,
¿Eras, Lily, la negrita del Sur,
De un negro lustroso, casi dorado de tanto brillar,
Sol negro con un sol blanco por sonrisa?
¿Eras la pequeña presa acorralada, forzada
Por viejos cazadores blancos obscenos y velludos,
El animal favorito mimado y más tarde aporreado,
La excitante muñeca pronto rota
Que una tarde se entierra, pobre y endeble cosa,
Junto a un pantano de jade donde cantaban las ranitas
Bajo la luna que muequeaba?

¿Habrás sido tan sólo, oh Lily, sombra quejumbrosa,
Un tema de litografía demencial,
La “novia” atroz, tísica y tópica,
Del “contrabandista” o del “joven pastor anglicano”?

…No, la melodía que te llora es tan salvajemente triste,
Tan sinceramente ingenua es la letra…
¿Qué importa que tu mejilla fuese negra, floral o morena?
Para mí tú habrás sido ásperamente exquisita,
Y siento que tu alma se fue, cuando moriste,
Volando en la tenue brisa, como se va volando
Hacia el cielo el incienso del lirio de las Praderas.

Traducción para Literatura & Traducciones de Carlos Cámara.







LILY DALE

And the moon shines bright
On the grave of poor Lily Dale
O Lily ! sweet Lily !....
(Chanson américaine.)


Lily, fûtes-vous une barmaid poétique
Dans un vieux bar de l'Est, bleu de fumée,
Où l'ivrognerie était douce et romantique,
Où des loups de mer et des gamins pâles vous aimaient?

Eûtes-vous un chignon blond, comme poudré d'or,
Des yeux d'un bleu de coboea
Ou de matin printanier de l'extrême Nord ? —
Sous le grèbe de brume argentée du boa
Votre col fut-il une aurore sur la neige?

Versiez-vous avec de gentils manèges,
(Le petit doigt envolé comme une colombe,
Une lueur filtrant sous vos paupières longues,
La taille coquettement penchée),
Les gins corrosifs et les torrides whiskies,
Laves que votre geste magique épanchait
Plus fraîches que les sources des Alleghanies,
Glacialement bleues, si haut cachées
En de mystérieuses coupes de granit ?

« Dignement » tendre avec tous, étiez-vous plus tendre
Pour un craintif Jack ou Jim aux yeux suppliants
Qui vous rêva fée des bois roses de Novembre
Ou des lacs de lunaire opale miroitante —
— Et mourut de vous et vous fit mourir,
Haineux de la vraie femme pour tous enivrante ?

Sous les sombres pacaniers qui se mirent
Dans l'eau vitreuse des bayous margés de huttes,
Lily, étiez vous la négrillonne du Sud,
D'un noir luisant, presque doré de tant reluire,
Soleil noir avec un soleil blanc pour sourire ?
Etiez-vous la petite proie traquée, forcée
Par de vieux chasseurs blancs obscènes et velus,
L'animal favori cajolé, puis battu,
L'excitante poupée bientôt brisée
Qu'on enfouit un soir, pauvre chose fluette,
Près d'un marais de jade où chantaient les rainettes
Sous la lune qui grimaçait ?

N'auriez-vous été, ô Lily, ombre plaintive
Qu'un sujet de chromo insane,
L'atroce « fiancée » consomptive et poncive
Du « contrebandier » ou du « jeune clergyman » ?

…Non, l'air qui vous pleure est trop sauvagement triste,
Trop sincèrement naïves sont les paroles ;
Et que votre joue fût noire, florale ou bise,
Pour moi vous aurez été âcrement exquise
Et je sens que votre âme, dans les brises molles,
S'envola quand vous mourûtes, comme s'envole
L'encens de l'iris des Prairies vers les étoiles.

JOHN-ANTOINE NAU es el autor de una pequeña obra maestra: el inolvidable relato LOS TRES AMORES DE BENIGNO REYES, publicado por Ediciones De La Mirándola.






La laguna azul

Cansado del susurro de las flores voluptuosas,
Nonnoune y Louisy con sus mixtos rizos celebraron
la llegada del pálido y áureo bronce 
sobre el acantilado bañado en profunda felicidad,
escuchando el canto azul de la baja laguna.
En este día se ha demostrado la fuerza y 
sencilla ternura de la palabra,
¿y cómo crece una caricia, toda vez que conoce
el secreto, cuando la mejilla descansa
en la faz del amado y la boca ardiente 
sabe a té de rosas?

Bajo las palmas de las pesadas manos, en las 
trenzas tejidas de los claros fílagos, los infantes
de llorosos ojos, se lamentaban por la irrupción
inesperada de la ironía que permite contemplar
a las tortugas llorando en los huecos de madera. 






Un arco verde en la serena playa

Un arco verde en la serena playa
donde la mañana melodiosa desciende
entre pálidas palmeras 
en medio de una sonrisa cansada
bajo un velo flotante.

Estas persianas son los párpados afectados
por la muerte nocturna de de las flores del banano,
flores aterciopeladas de colores suaves
como unos meditativos ojos.

Estos perfúmenes confusos
huertos fragantes como templos de Asia...
¿Son como nieblas en el horizonte que lucha embalsamado?

Es cierto que la nostalgia es
una fantasía que se alimenta cruelmente
del tardío anhelo de los amantes. 





Hiers Bleus




LE JARDIN DES JACINTHES

 Haut sur la courbe d’un promontoire de rêve,
 Dans le bleu profond des reflets marins
 Qui jouent au chant doucement triste de la grève,
 Sous la caresse de tulles aériens
 Où tremble un essaim de pétales mauve,
 Le jardin s’assoupit, — frôlé de ciel.

 Au loin s’éploie en blondeurs fauves,
 Solaire vision de Hell,
 Le vol pétrifié des falaises géantes.

 A l’horizon, des îles changeantes,
 Les îles qu’on n’atteint jamais,
 Protègent de pelucheuses nacres fluides
 Les perles fines de leurs sommets
 Qu’effleurent de coups d’ailes rapides
 Les jalousés, les dédaigneux
 Oiseaux de mer chatoyants et floconneux.
Tout près la côte noire et grasse au charme hostile
Carre ses cultures d’un vert épais,
Ses prés, ses bois trapus aux rameaux fous coupés
Et les damiers pesants de sa grisâtre ville
Belle d’art contenu, — de pondération !…
D’où montent, — au mépris des plans géométriques
Raides et vertueux jusqu’à l’obsession, —
Dès que le soir bleuit les palazzi de briques,
Des râles furieux de bestialité.

Dans la chaude diaphaneïté,
La lande claire aux ajoncs barbares
Où pleuvent des gouttes de soleil
Enserre les massifs lustrés et les fleurs rares
Qui tressaillent, pâlissant à l’éveil
Des rudes souffles salins du large.

Mais partout, — des calmes parterres odorants,
Des gazons, des sentiers micacés, de leurs marges
De verveine âcrement exquise et d’iris blancs,
Jaillit aux brises en flammes rosées,
En flammes de fraîcheur et de suavité
Qu’attisent les brillants frissonnants des rosées,
La vivace et la charmeuse gracilité
Des enivrantes, des adorables jacinthes :

Jacinthes, âmes des printemps naissants,
Des printemps défunts aux gaîtés éteintes,
Votre haleine redit nos extases d’enfants
 Et nos fuites vers un monde plein de merveilles
 Qui n’apparaît plus que si voilé !
 — Où des voix douces chuchotaient à nos oreilles
 Des mots d’« ailleurs » dont le dernier s’est envolé,
 Où nous enlaçait la blanche tendresse
 Des Etres familiers qu’a chassés pour un temps
 Notre prudente et notre infaillible sagesse ;
 — Où nous découvrions sous les grèbes flottants
 Et neigeux des lents et longs nuages
 Des formes d’une mystérieuse beauté
 Qui nous entraînaient aux éblouissants voyages
 Dans quel vertige si troublement regretté ?
 — Où les arcanes plus accessibles
 D’abris floraux voisins du sol comme nos fronts
 Se faisaient ingénus, riants, presque « visibles » ;
 — Où nous soupçonnions aux cœurs des liserons,
 Baignés du crépuscule irisé des calices,
 Les petits amis ailés de menus ors bleus
 Qui nous guettaient, malicieux complices
 Des songes voletant au-dessus de nos jeux ;
 — Où nous savions, par les après-midi languides,
 Le secret qu’un rayon confie aux lourds étangs
 Pénétrés de tièdes ambres liquides, —
 Ce qui rend tels appels inexpliqués, tintants,
 Si purs et si désolés dans la nuit tombante ;
 Le sens des regards lunaires pensifs
 Qui paillettent d’argent verdâtre les récifs
 Et la houle d’opale mouvante ;
 — Ce que traduisent ces cris d’oiseaux inconnus,
Déchirants dans l’air magique et sonore
Teinté de saphir sombre avant l’aurore;
Et même de quels clos mystiques sont venus
Vos affolants effluves de délices,
Jacinthes initiatrices
Qui devez embaumer les paradis rêvés,
Jacinthes d’où se sont tant de fois élevés
Ces brouillards d’incarnat délicieux qui fusent
Dans la limpidité cruelle des matins
Et m’empêchent de voir au si proche lointain
Les Iles de perle qui se refusent.





               L’HEURE TRAITRESSE

 Le ciel d’une pâleur bleue et si tendre
 Est doux comme une main de femme sur les yeux

 Voici, sous le vent qui hâle, se tendre
 Courbé, l’évoluant essor silencieux
 D’une seule voile aux blancheurs comme pennées;
 La mer, en ses mollesses de réveil
 Mouvant ses gemmes lourdes par traînées,
 Garde les teintes des visions du Sommeil.
                            *
                           * *
 Le rire d’or des fenêtres chante
 En le lilas moite des façades
 Où biglèrent méchamment des vitres saignantes.
                            *
                           * *
 L’air pur encore des monstrueuses fumées
 Est un baiser des bois aux sirènes des rades.
6 HIERS BLEUS

Les haines tristement bramées
Dans les navrantes, les déchirantes bises du soir
Dorment au clair — et dur — et froid métal des cloches.
                           *
                          * *
Les quais, enfers sonnants de blocs, de chaînes etde pioches
Sont des cygnes sur des miroirs de nonchaloir
                           *
                          * *
Des promesses de si neuves joies
Soufflent des collines blondes — à fleurs ouvertes.—
Assaillant les vouloirs encore inertes :
O l’enlacement des éperviers et des proies,
O les encombrantes moissons des poésies !
                           *
                          * *
Mais, "par bonheur",— sous les spartiates damas
Et les eiders, cilices d’orties,
On devine les longs étirements moins las
Des "dirigeantes", des sublimes énergies !—
Bientôt dans le reflet purpurin des brasiers,
Soleils du Sud pour les casanières paresses,

Les corps seront, aux doux climats des ateliers,
La grappe trop gonflée "heureuse qu’on la presse"...
Et les esprits les moins vagrants d’affreux sentiers.






                             L’ILE



                                              Pour D. Caillé

L’Ile qui somnolait dans ses tulles de rêve
Se dresse, à présent, bloc de granit bleu, brutal,
Donjon sombre cerné d’un trait net de métal
Qui se mire tout fauve en le béryl des grèves.
                           *
                          * *
Puis dans le soir plus doux, — clair encore, — des bois
Moutonnant sur le roc l’animent de feuillages;
On devine les murs fleuris de blancs villages
Et le planant parfum des choses d’autrefois...
                            *
                           * *
Retour!... Mais la prison brumeuse aux lourdes gazes
Qu’étoile le couchant de mouvantes topazes
Se referme sur l’Ile entrevue un moment
                            *
                           * *
Et l’on songe aux cités pour une heure éveillées,
Aux Vinlands populeux jetés distraitement
A l’effroyable nuit des terres oubliées.








                        CETTE LAGUNE


                                                  Pour H.T.

Cette lagune d’absinthe et son passeur noir,
Si loin que tout s’éclaire d’un jour de songe,
Ce miroir trouble où de l’or pâle fait des moires
Sur les fantômes des palmes élongées,...

Ce souvenir est-il de cette vie ?
(Une étrangeté si élégiaque imprégnait l’air)...
Ou d’une autre existence incroyablement vieille ?...
...Je sais que de grands vols criards passaient, alertes,
Des vols d’oiseaux de formes jamais retrouvées;
Qu’à terre croissaient des fleurs nacrées, gigantesques,
Dont les parfums trop vivants énervaient,
Instillaient une inquiétude si complexe,
Une inquiétude un peu douloureuse mais exquise.

Et, sur l’eau verte, filaient, penchés, des navires
Tout blancs d’une lourde et haute neige de voiles
Vers une passe lointaine, voilée
De grandes gazes d’opale et de saphir...

Une femme s’accoudait, languissante, sur la lisse :
Elle avait un sourire d’une grâce lasse
Comme résigné à de l’inconnu triste :

La caresse de ses yeux passa sur mes yeux
Et je rappris par une voix intérieure
Qu’elle vivait depuis toujours dans ma mémoire
Et que fuyait la mystérieuse heure propice
Avec la Triste appuyée sur la lisse,
La Triste que j’aimais depuis toujours sans le savoir.
                            *
                           * *
Et la seule chère allait aux périls des brumes,
Moi vers les vénéneuses profondeurs boisées,
Prisonnier de la barque, du passeur noir,
De l’enchantement vert de la lagune,
Trop sûr de poursuivre à jamais, sans grand espoir,
Dès que faibliraient les sournoises magies,
Un vain fantôme, peut-être, de l’Aimée,
Par les confuses écumes de vieux sillages
Illisibles sur l’immense Mer...






                          CRUAUTÉ SENTIMENTALE

                                        Pour Félix Fénéon.

O bonheur d’oublier la rue âtre
Qui flue en reflètant les astres malveillants
Des quinquets rougeâtres;
Les spectres hâtivement se coulant
Près des portes, ces transparences rousses
D’écaille fauve aux couchants d’hiver
                             *
                            * *
Et l’haleine effroyablement fiévreuse et douce
Qui soufne des huis entr’ouverts
                             *
                            * *
Et la moite brûlure des salles barbares
Où tournent des soleils aveuglants et brumeux
En d’ardents Simouns de parfums vénéneux
Dont les sens exultants s’effarent;
                             *
                            * *

O joie et fraîcheur d’âme : S’évader
De l’hypnotisme des étoffes miroitantes,
Satins, ors tissés, aubes de feu flottantes —
Ivres d’irradier;
                             *
                            * *
De la maléfique et suave emprise :
L’orient des chairs qui s’irise
D’un lait de roses fulgurant, —
Neige florale plus follement lumineuse,
Sapide neige tiède aux parfums torturants,
Abominable et délicieuse !
                              *
                             * *
...Réconfort du grand frais marin sauvage et vert
Au tardif crépuscule du large,
D’or vert si pâle sur le grand Vague désert, —
—Des senteurs vertes du quai bas et de la barge !
                              *
                             * *
Le rythme des rames tinte dans le chenal
Aux brusques échos de cristal triste
Et fait vibrer la flèche de feu du fanal,
Jet de topaze ou fluent des filets d’améthyste.
                              *
                             * *

                  
Dehors, la libre nuit glaciale s’abat,
Grand dôme d’un noir bleu diaphane :
La ville atroce est constellation, là-bas.
                            *
                           * *
Soudain ces masses de cauchemar d’où émane
L’âme exquise des jardins mouillés
Et des bois dont pleurent les fragrantes écorces,
D’où m’attire comme une affectueuse force
Pleine de frissons familiers,
Se font plages de la côte amie.....
                             *
                            * *
Les feuilles craquent, grisantes, dans le sentier
Qui mord profondément la roche humide
Sous des arceaux noirs criblés d’étoiles.
La sève des puissantes ambiances,
Rassurante, semble instiller dans les moëlles
La vie et simple et forte des essences.
                              *
                             * *
Et comme la nuit s’éclaire faiblement
Vers les hauteurs, sous les branches plus aériennes,
D’un brouillard d’émeraude poudré d’argent,
Un encens comme plus intime et plus amène
M’envahit irrésistiblement.
                              *
                             * *

1)

11 n’est ptus de sinistre ville

Souitinnt les pures ténèbres de jaïet

Où des lueurs fastes scintillent

Des flammes d’un soir diabolique et brouillé,
Dansantes aux piteux lacs d’Erèbe des naques
Plus de couchants factices de fluide or

Où de magiques étoffes ruissellent et craquent,
Se froissent sous des chairs de luxe et de décor.
(Les navrantes chairs plus radieuses !)

Rien n’est plus que les rochers veloutés de bois,
Que les falaises embaumées, silencieuses,
Puisque les encens en émoi

De mes ensorcelantes Heurs-fées,

De mes jacinthes aux parfums de ciel

Viennent au loin me faire accueil et comme appel
Et me jettent du rêve ami par bouffées.



Qu’importe, à présent que vous me parlez tout bas,
Mes roses, mes charmeuses confidentes,

Tout ce stupre dolent dont j’ai souffert là-bas,
Froid complice aux curiosités malfaisantes?



Et que me font ces cœur: qui n’ont jamais neuri
Ou qui se sont nétris de l’éclosion même,
Ces blessés répugnants qu’ont pansés le mépris
Et la risée et qui salissent quand ils aiment 



Ces corps passifs qui n’ont plus !e droit de souffrir,
Qui se fibre par fibre,

Cadavres somptueux bons à tout assouvir,

Menteurs dans la mort quand ils vibrent

Hantés de cauchemars au fond du noir sommeil
Sans !a piété d’un bon dédain chairs meurtries
Beaux débris harcelés, embaumés et vermeils
A faire pleurer des valets de boucherie 

Oui, qu’importent ces inertes douleurs
Puisque vos silencieuses voix me pénètrent
D’une languide et comme poignante douceur
Inquiétante comme une souleur

Et si neuve de vous à mon être

Je sens qu’une tristesse a frôlé le jardin

(Vos effluves mettent en moi l’angoisse frêle

D’une rancœur plaintive et sans rien de hautain,
D’une peine dont rien ne se révèle,

Qu’exprime un mot de douloir humain,

Que je ressens très loin en moi sans bien comprendre,
Mais avec un térébrant remords,

D’Me rancœur cruellement blessée et tendre.



Vous dites qu’en le jardin qui s’éplore
La visiteuse indéfinissable est entrée,

Celle qui vient, comment? et d’où ? 
De tous hormis vous et moi-même ignorée,
L’indiscernable de mes rêves blancs et bleus,
Qui n’est pas un esprit des suprêmes royaumes,
Puisqu’en elle tout n’est pas robuste et joyeux,
Puisque sa nostalgie errante nous effleure
Aux jours de mélancolique félicité,
Puisque vous m’avez (si bas 1) chuchoté
Qu’elle plenre 

Oui, l’indicible a flotté sur la mort des lys,
Sous les berceaux effeuillés, sans fragrance,
Où n’arrivent plus vos haleines de délices
Car, sous les rameaux sans fleurs et comme souffrants,
On dirait une senteur des Printemps qui dorment
Sous le prisme a peine blêmi du Passé.

Fut-elle même, en ce Passé, l’une des formes
Qui venaient, en mes rêves solaires, glisser
Sur la frange des longs rayons ûaves qui tremblent,
Elle rien qu’ < approche duvetée et qui semble
De l’air plus fraîchement ailé 



Et moi, frigide égoïste à peine troublé

Par la misère fastueuse de ces femmes,

Là-bas, dans la fauve fournaise d’or,

De ces brillants, de ces charnels décors

Où hurlèrent et gémirent cent drames

De faim, d’horreur et de royale abjection.

Je sens mon cœur s’ouvrir < comme <d soc un sillon
Mon cœur où va germer la tendresse navrée,
A la problématique et vague affliction

De la Devinée. ou de l’Espérée,

De cette qui n’est peut être pas encore,

Qui <M/ sans que son être soit plus lin

Que le bonheur qui plane au rose d’une aurore,
Qu’un mirage, qu’un pressentiment de parfum 




NOUVELLE TERRE


C’est un premier rayon du couchant

Cette blondeur rousse de cuivre qui

D’une lumière trouble, on dirait méchante,

L’île proche, d’expression incertaine.

Et déjà la lueur rougit des trissons passent
Dans l’air moins tiède, ridant les voiles orange
Le navire, très lentement, roule et tangue

Sur les grosses vagues comme lassées,

Roule et tangue et se cabre mollement,

Longtemps, sur les grosses vagues qui se mordorent.
Et voici que nous entourent, nous emprisonnent,
Comme de fluides mailles odorantes,

Les émanations vitales du rivage

Et plus les lignes se font noyées et mourantes,
Plus la face des choses s’ennuage

De cendre mauve, puis de violâtres ténèbres,
Plus la possession de la terre s’affirme,



Plus son soufHe nous la révèle et nous pénètre
De sa secrète essence intime.

0 terre inconnue qui t’endors si près de nous,
Si près et si loin, par-delà ces masses d’ombre,
Serons-nous mieux initiés à ta vie profonde
Demain, par le bleu mensonge du jour,
Qu’en cette heure où tu t’abandonnes,

Où tes nocturnes effluves parlent et avouent ? i’
Je devine ce qui frissonne

Dans tes rues humides sonores de solitude
ht ces odeurs chargées comme d’inquiet ennui
M’apportent ce qui sourd de trouble incertitude
Angoissée des fumées de pauvres nourritures.
Aussitôt m’apparaissent, brûlants et rougis,
Derrière d’invisibles fenêtres,

Les yeux navrés qui cherchent dans la nuit
Sous les étoiles des fanaux rouges et verts
Dont les longs rais se brouillent sur le ciel funèbre
Un astre ami prévu qui tarde à s’allumer.
Ht voici, toute froide et comme murmurante,
L’haleine si poignante des jardins mouillés,
Pleine de confidences pleurantes

0 tant d’amours qu’avivent les renoncements,
Qu’exaspèrent le < jamais plus » et l’impossible,
Tant de vieux amours douloureux et charmants
Fleurirent donc parmi les floraisons captives 


Terre inconnue qui t’endors si lugubrement.
Je sens que tu ne me parfumeras pas l’âme
De cette poésie surhumaine qu’exhale

En l’ambre lumineux des étés triomphants
Ma blonde Plage des plages

Où chantent de presque immatériels ombrages
D’un vert blond si diaphane,

Toujours voisine et encore fuyante

Et que je n’ai bien contemplée jamais

Que dans l’or tiède, embaumé, des rêves d’enfance.

Mais si tu me refuses le site aimé

Caché ailleurs, loin de l’embrassement de tes collines,
Si tu n’es celle qui me retiendrait,

Bercé comme par des tendresses féminines

Par les iéeries du seul songe qui renaîtrait,

Je vais trouver chez toi, sapide et franche hôtesse,
Et je le sais pour t’avoir à peine approchée,
Ce qu’après tout je venais peut-être chercher
Une tristesse harmonieuse à ma tristesse.




AUBE ANTILLAISE

Le ciel net et floral, conscient de ravir,

Dôme en cristal vermeil qui tinte au chant des cloches,
Miroite, lumineux et doux au pied des roches,
Des noirs plongent au flot rosé qui va bleuir.

Dans les tamariniers des franges de frémir
De clairs gosiers d’oiseaux perlent des triptes-croches;
Les palmistes roidis lâchent leurs plumes floches
Les nacres du Matin se fondent en saphir.

Les bons nègres semés sur l’eau comme des mouches,
Sombre puHuteent rieur aux escarmouches
Promptes, raillent t’essor des longs canots pointus.


Le /« corne avec des rauquements de fauve
Et tes pêcheurs au bleu des embruns fous perdus
Guettent, le cœur serré, mourir les pitons mauve.



En ie rêve accompli du matin finissant

Et le fluide cristal velouté de l’altitude,

Comme s’épand le grand bonheur alanguissant
De l’onde solaire,

Vers la cime où se trient les bruits des multitudes
Une haute voix monte claire

Des clochers neigeux d’ardente lumière.

Elle monte comme entr’ouvrant le splendissement bleu,
Comme une blanche émanation d’âme adorante
Et la tiédeur des fleurs plus timidement odorante
Semble suivre !e verbe épuré dans les cieux.

L’enfant maigrelet dont le teint bione

Se rose, à vos senteurs, de votre sang nacré,
Jacinthes, révélation d’un ignoré

Qu’il sent confusément, qu’il redoute et qu’il aime,


S’emplit les yeux du féérique jardin,

Craignant de mal faire et qu’on le rudoie.
Profanateur de quelque inviolable Eden

Et songe, trop grisé pour montrer de la joie.

0 ces arbres pareils à des bouquets énormes 1

0 les bijoux d’or pelucheux des mimosas

Ht le prisme dont le sumak s’irisa

Sous cette ombre qui n’est rien qu’ombre de fleurs, des formes
D’une imprécise beauté glissent aux longs frissons
Des calices, des grappes de corolles

Et s’il ignore les syllabes rauques ou molles

Qui gardent tout l’Occulte floral dans leurs sons,
L’enfant nommerait presque les êtres

Que disperse dans une moire de soleil

Le balancement des branches en gerbes,

Et qu’une autre moire bieuatre accueille

Sous des rame’ux voisins refermes.

L’Océan luit, proche et lointain, rayé de tiges
Où pointent des bourgeons menus, comme aHumés;
Bricks hérissés de flèches, pécheurs essaimés,
Ces mouches blanches de l’abîme de vertige,
Evoluent dans l’Enorme entre les dahlias;
Et l’enfant sent renaître il ne sait quoi d’intense,



De sublimement cher qu’il oublia,

Une douceur comme un peu douloureuse, immense
Pour sa frète pensée et qui s’évanouit

Et revient, l’inondant, 6 pourvu qu’elle dure
Et flotte loin, ondoyante et se dénature
Et plus troublante, rentre insaisissable en lui.

Il ne sait que l’éternel tourment est son maitre
Que dès cet instant il est paria

Qu’il a ressenti ce qui n’a pas le droit d’être,
Qu’aveugle au Réel sage et laid, il devient traître
Et complice de l’ensorceleuse Maïa

Qu’il sera dans l’esprit des hommes, ses bons frères,
Le chasseur ridicule et peut être maudit

Qui confondra ses bulles roses favorites

Avec le sinistre oiseau rouge de l’éclair

Bien pis L’évocateur des croyances haïes

Péril pour l’Espèce, ennemi de tout pays,

Le noir scélérat qui minera le donjon

Du vraisemblable, du profitable Mensonge 1

Mais son âme où surgit à peine te Futur
Plonge au gouffre d’or bleu des Mystères diurnes
En une mélancolique sérénité

Trop de bien-être indénnissabte l’oppresse
Et c’est l’exquis éveil de t’âme à la tristesse,
A l’enivrante tristesse de la Beauté.



Des musiques vaguement entendues

Passent fugaces en lui, disant mieux

Que les paroles qu’il murmure confondues,

Ce qui veut pénétrer dans son cœur anxieux
Par les faibles sens qui naissent et qu’il ignore.
Mais voici qu’un doux air banl qu’il reconnait
Le ramène en-deçà de l’imprévue aurore

Vers hier qui déjà s’embrumait



C’est loin du tiède jardin de lumière,

De luxueuse joie et de baumes errants

Que de hauts murs où se cramponne un maigre lierre
Font une demi-nuit sur des lilas souffrants.

Sous les sarments secs croule un lambeau de tonnelle
Où se perchent les oiseaux gris

Aux lamentations sempiternelles

Une obsédante plainte d’eau sur des débris

Amoncelés en roches affligeantes

Au prisme indigent dans tes pâtes rmous froide
Tinte et pleure et douloureusement chante.

Penchant leurs lourdes couronnes de rois,
En exil dans la pénombre humide,

Des soleils blafards sur leur tige qui jaunit
Cherchent inconsolablement leur dieu splendide.



Et l’on dirait que dans leur prison de granit,
Interrogeant !e jour funèbre qui se glisse
Entre les toits moroses glacés de bleu noir,
Les tristes fleurs reprochent leur supplice,
Leur langueur et leur désespoir

Aux maîtres miséreux qu’elles consolent
D’une apparence de rayons,

Aux poétiques égoïstes qui les volent

A la joie ample des protéens horizons,

A la gloire du divin sol aride

Poreux et saturé de fauve jour fervide.

Et tandis que l’air chante en lui comme exhalant
Le charme noir de la pauvreté familière,
L’enfant se sent chérir le coin morne et dolent
Dont il craignait l’éternel froid crépusculaire
Du même amour que le beau jardin enchanté
Qui fait vibrer en lui les tendresses discrètes
Du Non-Humain plein de silence et de bonté.

Voit-il que désormais une chaîne secrète,
Le lie à tout un Monde incompris, inconnu
Dans son être profond et ses métamorphoses
Et qu’il partagera d’un esprit ingénu

Toute la joie et toute l’angoisse des Choses ? 
Peut-être ! Ses pensers éclosent par milliers
Voletants dans l’extase heureuse.
Tout ce qu’il va pouvoir aimer ! Terre charmeuse !....

… Et son âme est une abeille dans les rosiers…



TEMPS PALE



I) y a sur la Mer comme une pâleur bleue,

Comme une langueur de chers passés indistincts
Qui reparaissent et se renoient plus lointains,
Un calme trouble qui-bizarrement-console et pleure.
La brise vibre a peine aux harpes du gréement,
Traînant de si faibles musiques nostalgiques
Le soleil adouci de lents grèbes qui glissent

Caresse les eaux si mélancoliquement

Debout au bossoir, -buvant la fraîcheur saline,
Toute la douceur de l’Océan dans mes yeux,

Je te vois approcher en vapeur opaline

Et ta forme, vaguement connue, se dessine

Presque familière et presque mystérieuse.

Pourquoi viens-tu ? Ah je pensais brumeusement à toi,
Moins à toi qu’aux parfums qui ondaient

Dans ce beau jardin si frais et tiède, st loin 
Et que tu personnifias une seconde.



2.

H faisait un doux temps pâle aussi, ce jour-là
Les verdures chantaient au-dessus des volières
Et des neurs cachées disaient d’étranges « Là-bas »
Dans le souffle nacré de !a Mer.

J’étais auprès d’une autre, inconsciente et nonchalante
Qui guettait l’essor de fantômes bleuâtres,

Dans les nuées changeantes,

Entre les arbres.

Quand je te devinai, voisine d’âme et belle,
Perdue parmi des femmes et seule présente,
Qui me regardais suivre tes visions frêles

En les prunelles indifférentes

Tu captas mon être entier dans tes yeux

Des ères mortes semblaient renaître,

Et tu fus comme affligée de me reconnaître

Et tant et si peu

Sur des grèves plus belles, en plein rêve ?
Dans l’alanguissement de plus immatériels parfums,
Avions-nous eu, durant des éternités brèves,
Un secret adorablement triste en commun ir



 !e pourquoi de nos âmes désentacées ? 

!e Passé, fuir dans le Passé avec toi 

Mais déjà pàlit ta forme en l’air bleu plus froid
Comme j’ai dû pâtir vite dans ta pensée.



D’APRES SCHUMANN

Ce sera dans longtemps et très loin,

Sans doute, et par un soir mélancolique
En deuil de son bleu incertain,

En deuil royal faiblement purpurin

Des vagues pleureront une glauque musique.
Car ce sera le soir et sur une plage,

Puisque, sous le voile des ans,

Tu ne m’apparais un peu moins fuyante
Que baignée de l’inquiétude âpre du large
Et de crépuscule.

11 y aura de grands bois noirs sur la dune,
Pareils à ceux où les soupirs des feuilles
Semblent chuchoter, si-bas ton nom.

Que je le veuille

Ou non.

Il y aura de lents oiseaux attardés

Qui feront, dans l’air, des cercles tristes,
Des senteurs tendrement tristes, comme oubliées
Et retrouvées

De tamarix.


y aura en tout une grande douceur lasse
Comme après des larmes.

Et tu ne seras plus !e songe consolant qui passe
Mais !a Poursuivie, la Redoutée, chair et âme.
(La brise gémira des Enfin et des Hélas !)
Et malgré l’exultante folie de ma joie,

Je n’irai que bien lentement vers toi,

Tout angoissé, de moins en moins vite,
Si comiquement honteux de n’ moi.
Que tu me reconnaîtras tout de suite.

Tu me souriras charitablement, des yeux.
De tes larges, de tes profonds yeux, radieux
Encore dans la nuit tombante.

Et comme je ne saurai que te regarder,
Pensant rêver ce bonheur toujours retardé,
Oublieux des longues années suppliciantes,
Des longs désespoirs avivés de faux espoirs,
Tu me tendras, plutôt condescendante,
La pâle main qui m’a pétri sans le savoir
Et tu te croiras la plus aimante.



MARINE

L’Océan lisse et froid dresse un glauque miroir
Au-dessus des rochers et de la lande morne
Un pâle goëland monte dans l’air et s’orne
D’un clair rayon cueilli dans les roses du soir.

Tout s’alanguit en un torpide nonchaloir
Le promontoire aigu s’arrondit, tel un morne
Un exotisme doux envahit tout la corne
Des bananes se cambre en la lune au bossoir

Et sur les gouftres d’eau crépusculaire et lente
Je vois la vision surgir, qui violente

Mon âme éprise des flots vides, incertains

Un long trois-mâts qui va par filantes glissées
Berceuses, dans la Nuit, vers d’éclatants lointains
Comme un grand cygne noir aux ailes rebroussées.

Les murs blancs. et mon cœur qui semble se fermer.
Des voix. et les lourdes ailes d’azur des orgues.
Et c’est le vague bleu de la mer

Immense et trouble où le navire vogue

Sous la lumière hostile et dure du Nouveau.

Des plages

Inquiétantes en l’énorme du Beau

Concentrent l’Etrange épars au large
Et si craintivement espéré

Après les claires splendeurs barbares
La vaste houle engloutissante des forets
M’absorbe en sa nuit d’or vert qui se moire
De vols de flamme sourde et de renets captifs.

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